HOMMAGE A SUDHEER

 

                                  tantra_sudheer4
 

En étant présent à la réunion informelle en l'honneur de Sudheer chez notre amie Danielle, quelques heures après sa crémation, j'ai été touché par tous les témoignages de reconnaissance qui ont été exprimés, et en même temps frappé de que la plupart de ces personnes ne semblaient avoir connu Sudheer que lors de ces dernières années. J'ai réalisé que j'avais la chance de le connaître depuis maintenant 35 ans, et en tant qu' "ancien", je sens le désir de partager quelques anecdotes et réflexions sur le Sudheer que j'ai connu il y a longtemps.

J'ai croisé Sudheer dans l'Ashram d'Osho à Poona en Inde dans les années 1980/1981, mais je l'ai vraiment rencontré pour la première fois lorsque j'ai participé à une formation en Rebirth qu'il animait dans un petit centre de méditation Osho près d'Avignon, où j'ai vécu quelques mois vers la fin de l'année 1981.

C'était une formation particulièrement intensive, puisque nous recevions et donnions un Rebirth chaque jour pendant 7 jours d'affilée. En plus de cette intensité, Sudheer apportait par sa présence et ses interventions un élément de très grande finesse, souvent non dénué d'humour.

Dans les années qui ont suivi, il a fait le choix de ne pas rejoindre les grandes communautés de disciples d'Osho, qui se sont formées en Oregon aux USA ainsi que dans différents pays d'Europe, mais de rester vivre en France. Il fut l'un des piliers de la petite communauté de sannyasins qui se forma en région parisienne, à Maison-Alfort. En plus d'animer des stages et de donner des séances individuelles, il assura souvent le rôle de DJ pour des "parties" et des soirées dansantes, et était très réputé pour la qualité et l'originalité des musiques qu'il utilisait.

Mais je crois que le rôle le plus important qu'a joué Sudheer dans la mouvance Sannyas en France des années 1980 et 1990, ce fut celui d'une "autorité morale", d'une personne de référence par rapport au monde d'Osho et à ses enseignements. Sudheer n'était âgé que d'environ une dizaine d'années de plus que moi, mais ses qualités de psychologue, sa sagesse précoce, la qualité méditative qui émanait de lui... tout cela avait un côté profondément inspirant et contribua pour moi, comme sans doute pour beaucoup d'autres, à renforcer notre implication dans la vie spirituelle.

Au cours de cette décennie 1980, j'organisai pour lui de nombreux stages de Rebirth, de travail sur les vies antérieures ou de Tantra. Cette collaboration connut un point culminant entre 1987 et 1990, époque où je créai et dirigeai le centre de méditation Osho "Ruchya", qui se trouvait près du village du Nans-les-Pins dans le Var, en face de la montagne sacrée de la Sainte-Baume où Marie-Madeleine a vécu les 20 dernières années de sa vie. Sudheer vint animer de nombreux stages dans ce lieu, dont beaucoup ont été mémorables pour moi. 

Je me rappelle une fois où en plein stage j'avais balancé une remarque assez lourde à une ancienne petite amie, et où Sudheer se tourna vers moi, me regarda tranquillement dans les yeux, et dit simplement: "Eh bien, là il y a de l'énergie!"

Dans la continuité du stage de Tantra qu'il anima à la fin de l'année 1989, nous nous retrouvâmes plus de 75 personnes dans le centre, à fêter joyeusement l'entrée dans l'année et la décennie 1990; un record pour Ruchya et pour les petits centres Osho qui ont existé en France à cette époque.

En juin 1990, après avoir cherché sans succès pendant quelques mois un lieu plus grand pour y transférer le centre, je décidai simplement de le fermer (ce que je regrette encore parfois aujourd'hui !) et de me rendre à nouveau à Poona pour plusieurs mois, afin d'y suivre la formation intensive en Tantra qui y était offerte en août et septembre.  

A ma grande surprise, Sudheer me déclara: "Comme j'avais prévu le gros de mes stages chez toi cet été, et que donc ils n'auront pas lieu, je vais annuler aussi mes autres stages et venir participer à cette formation". Ce fut un changement de rôle et de regard intéressant que de nous retrouver tous deux co-participants au sein d'un groupe international très poussé d'exploration intérieure.

Sudha, la principale thérapeute, une femme noire d'Afrique du Sud, était une véritable panthère; et avec l'aide d'une équipe d'une demi-douzaine de co-animateurs et assistants, elle nous a amené à dévoiler nos parties les plus secrètes et à ré-ouvrir nos blessures les plus anciennes.

Je me rappelle qu'à un moment j'étais au centre de l'attention du groupe, et revivais une très ancienne souffrance, celle d'une lente agonie dans un camp de concentration lors de ma vie précédente. A un moment donné, je croisai le regard de Sudheer et je vis le sien s'enfoncer en moi, comme mesurant l'étendue de cette peine. Puis il se mit à pleurer à chaudes larmes; ces larmes de Sudheer, que je ne percevais pas habituellement comme quelqu'un de très démonstratif, me touchèrent profondément, et me firent sentir la beauté et la douceur de son cœur, au-delà de son mental puissant et raffiné. 

A partir de 1991, je commençai à animer mes propres stages de Tantra, et du coup nous fûmes beaucoup moins en contact, puis je partis à Hawaï pendant environ une dizaine d'années. En rentrant en France à l'été 2012, j'appris la grave maladie de Sudheer, atteint par la maladie de Parkinson. Je téléphonai pour prendre de ses nouvelles et partager avec lui ma découverte de l'alimentation vivante, qui m'avait permis de me sortir moi-même d'un état de très grande fatigue quelques années auparavant. Il m'écouta avec attention, mais je ne le sentis pas prêt à essayer quelque chose d'aussi radicalement nouveau pour modifier son état de santé.

Je n'insistai pas et me contentai de lui envoyer de temps en temps de chaleureuses pensées de guérison. Cependant, je reçus quelques nouvelles alarmantes sur la dégradation de son état de santé ces derniers mois, par des stagiaires que nous avions en commun. Je pensais à lui, au bonheur que j'aurais de le revoir encore au moins une fois, un samedi de ce mois d’octobre, lorsque je reçus un appel téléphonique d'un ami commun qui m'annonçait son départ.

Cher Sudheer, je suis heureux de t'avoir connu, et que nous ayons cheminé sinon sur une voie toujours identique, mais en tout cas vers le même horizon. Le fait que tu aies animé des stages de Tantra presque jusqu'à tes derniers jours est pour moi un exemple inspirant !

Fly high in the sky, dear brother...

Love

Chetan Joël Samarpan